C’était donc ma première course en solitaire.
Un parcours de 300 nm entre Pornichet, Belle-Ile, Les Sables d’Olonne, Groix et Pornichet.
300 nm, c’est un Paris-Bretagne en voiture, sauf que là tu ne mets pas 6 heures mais plutôt 48.
Il y a encore 6 mois je n’avais pas navigué plus loin que les Glénan, donc pour moi c’est tout un programme.
La semaine passée j’avais passé ma première nuit en mer sur la Lorient en BSM, une course en double entre Lorient et Pornichet.
Tout s’était bien passé et cela m’avait mis en confiance.
Je passe deux jours à Pornichet pour préparer ma course et mon bateau, tout se déroule bien.
La météo m’inquiète un peu. Depuis une semaine un fort vent d’est est annoncé.
Vendredi soir les 30-35nds sont confirmés pour la nuit de samedi à dimanche…
J’ai déjà navigué dans ces conditions lors de nos entraînements d’hiver à Concarneau, mais là pour ma première en solo je me pose pas mal de questions….
Au point finalement de ne pas vouloir prendre le départ le samedi matin… Gros moment de doute et de remise en question.
Finalement balayé non sans mal une heure plus tard par mes camarades qui ont su me redonner confiance en moi.
Me voilà sur l’eau. Sensation de ne pas vraiment savoir où je vais.
Même si dans ma tête tout est clair niveau météo, cartographie,etc.
Le départ est lancé et je passe très prudemment la ligne en dernière position.
Je pars aussi beaucoup trop sous-toilé car je ne veux pas me retrouver dans le rouge si le vent monte plus rapidement que prévu.
Mon pote Pifou passe sur un zodiac et me souhaite une bonne course. Ça me motive.
Je suis donc en queue de peloton direction la première marque de parcours, le phare des Birvideaux.
Je me rends compte que la flotte s’engage dans la baie de Quiberon et compte passer par le passage de la Teignouse.
Moi je ne connais pas encore ce coin là et du coup je suis mon plan de navigation, celui de passer sous les iles de Houat et Hoedic.
Je serais donc le seul à passer par là. Ça me fait plutôt sourire quand je revois ma trace d’ailleurs.
Je me fais un bord de spi très sympa mais je perds le contact avec la flotte.
Je passe pour la première fois le phare des Birvideaux à la tombée de la nuit.
Je me retrouve vent de travers, la nuit tombe, le vent monte. 20, 25, 28 nds.
Je glisse sous Belle-Ile, les vagues avec moi. Je fais des pointes à 12nds alors que j’ai déjà 2 ris dans la grand-voile et un dans le solent.
Passé Belle-Ile, je dois maintenant lofer, cap sur l’île d’Yeu.
C’est une nuit noire, le ciel noir de nuages, le vent établi à 28nds.
Les vagues sont maintenant dans mon travers et viennent s’éclater sur la coque. Une vraie machine à laver toute les 30 secondes.
Ça va durer comme ça pendant 54nm jusqu’au lever du jour. Je passe la nuit à la barre à écouter de la musique et en m’abritant de temps en temps dans le cockpit. J’essaye de dormir un peu, mais j’arrive à peine à somnoler 5 minutes.
Du coup, je rattrape et double deux concurrents.
Un petit mal de mer complique aussi un peu les choses donc je préfère rester sur le pont.
Je découvre l’île d’Yeu au soleil levant, un dauphin me salue, et je croise déjà le premier prototype en train de s’envoler vers la victoire. Magnifique paysage.
Direction maintenant les Sables d’Olonne, la mer devient très croisée et très peu agréable. Une vraie piste cabossée, mais le vent s’est un peu calmé et puis avec le soleil revenu me réchauffer tout va pour le mieux.
Je double un autre concurrent, et je croise maintenant les copains qui sont sur le retour, ça me motive et me dit que je ne suis pas si loin du paquet finalement.
Mais arrivé devant les Sables, je me rends compte que la marque de parcours est un peu loin que ce que j’imaginais. Le vent refuse et je dois maintenant tirer des bords au près pour passer la marque.
Il est midi, route maintenant vers l’île de Groix.
Le vent mollit franchement, je largue les ris, et j’envoie le gennaker jusqu’à Yeu.
J’arrive à faire une petite sieste de 10 minutes.
Je roule le gennaker sous Yeu car je dois maintenant serrer un peu plus l’axe du vent pour faire route vers Belle-Ile.
Je me cuisine un petit riz à la tomate au bain-marie, le soleil se couche, je joue un peu d’harmonica….bref c’est plutôt sympa.
Je me rends compte que c’est la première fois que je ne vois plus la terre, l’horizon dégagé à 360 degrés. Je croise aussi au loin mon premier cargo. J’en profite pour dormir 15min de plus.
La nuit tombe et la machine à souffler se remet en route, un bon 25nds à 60-70° de ma route. Je prends 2 ris dans la grand-voile.
Je remonte sous Belle-Ile mais la nuit les perceptions sont un peu chamboulées. J’ai l’impression de faire du sur-place, mais non mon compagnon GPS me confirme que tout se passe bien.
Je croise la route d’un banc de dauphins phosphorescents électrisés par le plancton sous l’île de Groix, ça me remet en joie !
Le passage de la pointe de Pen Men sera le moment le plus dur pour moi. Grosse fatigue, froid glaçant, et un peu perdu dans mes repères… Je décide d’être prudent et d’arrondir ma trajectoire.
Je sens que je faiblis franchement, il faut vraiment que j’arrive à dormir. Je commence à avoir quelques hallucinations, surtout auditives. Route vers la presqu’ile de Quiberon le soleil se lève, la voie est libre je re-dors 15 min.
Je rattrape un mini qui s’engage dans le passage des sœurs, je check la carto. Je décide de ne pas le suivre et de suivre ma route originale. Depuis Groix j’ai renvoyé toute la toile, le vent est plutôt bon entre 12 et 15nds.
Dernière marque de parcours, Goué Vas du Four. La fin s’annonce proche.
Mais coup du sort, le vent a décidé de s’évaporer subtilement. M’abandonnant lâchement le bougre !
45min s’écoule à chercher en vain la moindre pression, le réglage qui ferait la différence, mais rien n’y fait.
3 autres minis eux-aussi pris au piège arrivent à lors à trouver une porte de sortie, mais pas moi…
Je ne m’étais pas vraiment posé la question, mais à ce moment je me rends compte qu’avec la marée montante il y a un petit courant qui me pousse vers la côte. Je regarde alors exactement ma position sur la carte. Je suis très proche des haut-fonds du plateau du four et à ce rythme là ça ne sent pas bon du tout.
Je sors le mouillage, il y a 15m de fond, je jette l’ancre.
Je reste une heure durant dans cette situation très frustrante. Je craque un peu…je me dis que pour ma première course, ce coup du sort n’est vraiment pas très sympa..l’effet conjugué de la fatigue et de la chaleur maintenant bien présente n’arrange pas les choses.
Et puis un petit vent thermique est venu me tirer de ce mauvais pas. Un petit 4nds, mais qui fait bien mon affaire.
L’ancre relevée, je glisse péniblement vers cette pénible dernière bouée à laisser à babord.
Encore une dizaine de milles avant l’arrivée. Il fait très chaud, je glisse à 5nds sous spi vers la passe des Guérandaises.
Je passe la ligne d’arrivée à 18h30, très heureux de terminer en 42ème position !
Une vraie aventure cette première course en solitaire.
PS: Un grand merci à Fanch, Olivier, Florian, Tom, Pifou, Nikki…sans leurs encouragements je n’aurais sans doute pas pris le départ. Merci aussi à ma famille qui m’a fait la suprise d’être là sur les pontons à mon arrivée.