Il y a 2 ans j’avais déjà fait cette course.
Il y a 2 ans, c’était une aventure. Ma première en solitaire. Ma première nuit en mer.
Là tout a changer. Maintenant je commence à connaître. Mon bateau. Moi-même. Le plan d’eau.
22 avril sous le soleil. Le départ est lancé. Il y a du monde sur la ligne et toujours des gens pressés.
Je pars de l’autre côté. Je ressors bien placé dans le paquet à la bouée.
On envoie le grand spi pour sortir de la baie. Ça bataille, ça frotte, ça joue des coudes.
Le vent mollit, on tombe les spis, on monte les gennakers.
On rentre dans la baie de Quiberon, et là ça tombe franchement.
Je me cuisine un petit couscous aux légumes.
Le routage devait nous faire passer par le passage des soeurs entre Houat et Hoedic….mais là tout a un peu changé…
On ne sait plus trop à quel vent se louer…
Je croise avec Camille. On discute à la VHF. On se dit qu’on peut tenter le passage quand même.
C’est risqué. Mais c’est assez plaisant de prendre une option détaché du groupe. On se lance.
Il y a du vent, le soleil se couche lentement, on glisse entre les îles. Le paysage est grandiose. Donc ça valait le coup.
Il faut toujours aller voir les belles choses.
On rejoint le groupe au phare des Birvideaux. On a pas vraiment gagné, pas vraiment perdu. tant mieux.
On descend maintenant vers Belle-Ile, c’est un bord de vent portant. Il y a 15nds. Je sais que le vent doit forcir avec l’arrivée de la nuit, mais je décide de lancer le grand spi…car je suis motivé pour me replacer au mieux dans le peloton.
Ah c’est sûr que pendant 30min j’ai été vite….même trop vite…le vent monte à 25nds, rafale à 28…
Ça devient tendu, il faut prendre un ris dans la grand-voile, mais rien que ça, ça devient très vite compliqué.
Le bateau fait des pointes à 13nds, il charge dans les vagues en mode sous-marin. Tsunami sur le pont.
Et puis arrivé sous Belle-Ile, je dois affaler pour lofer direction Yeu.
Là c’est critique, il faut vraiment avoir le bon timing. Attendre le bon moment pour choquer et tour ramener à bord.
Petit moment de stress, mais ça passe !
Je suis à nouveau sur la route mais j’ai perdu du terrain dans la manoeuvre…et je commence à être un peu brassé.
Ça glisse sous Belle-Ile il est minuit. La nuit est noire. Les feux blancs scintillent devant moi.
Je tente alors d’envoyer le gennaker, toujours motivé pour me relancer. Erreur.
La manoeuvre est pénible, compliquée, et une fois lancé je me rends compte que je n’arrive pas être au bon angle de vent.
Je range tout, je me crame, et je m’achève par mon mal de mer qui s’installe…
Je suis alors un peu frustré, énervé, et malade. Je décide alors d’aller me reposer, de dormir.
Il y a 2 ans, je me souviens que sur une situation similaire tout le monde avait dormi dans la cabine, fait le dos rond.
A l’époque, c’était inimaginable pour moi de rester dans la cabine comme ça toute une nuit.
Et bien cette fois, j’ai réussi. J’ai pris un 2ème ris, il y a toujours 25nds. Mes voiles sont plates. C’est parti pour la nuit.
Je pense que j’ai fait au moins 15 siestes de 20 minutes. Etre allongé m’évite de vomir. Mais quand je ressors sur le pont après chaque micro-sommeil, je ne suis pas toujours très glorieux.
Mais je prends sur moi, je ne me résigne pas. Je sais que dans quelques heures le soleil sera là.
L’île d’Yeu se découpe enfin sur l’horizon. Un fin croissant de lune se dessine, sur un ciel sépia.
Je reprends pied à mesure que l’air se réchauffe.
On passe au près, ça tape, ça mouille, toujours 20nds.
Le moral remonte quand je recroise les copains qui ont déjà viré Les Sables d’Olonne et qui glissent sous spi vers Groix.
Les Concarnois sont en tête, c’est sympa. Clarisse est en embuscade en 4ème place, génial !
Il est midi j’arrive à la Nouch Sud, cette marque que j’avais passé il y 9 mois avec Conrad Colman pour terminer la transat New-York – Vendée. Je me dis quand même que j’ai sacrément progressé en 2 ans.
J’envoie le spi médium, ça surfe bien pendant 2 heures. Le ciel se réchauffe et la pression diminue.
Je déjeune, je dors un peu, je fais un peu de guitare.
Il y a plusieurs bateaux pas très loin, ça se resserre. Je repasse sous gennaker à Yeu.
Direction Belle-Ile à nouveau.
Le vent est stable et établi.
Il est 20h dimanche 23 avril. Le résultat de l’élection présidentielle tombe sur ma radio BLU.
Drôle de sensation d’être coupé du monde sur l’eau, mais d’imaginer cette agitation à terre.
J’arrive sous les falaise de Groix vers 3h du matin. Le phare de Pen Men est magnifique avec son balai lumineux.
Manoeuvre propre, je ressors au près dans du vent léger.
Je sais que c’est maintenant qu’il ne faut rien lâcher car tout le monde est fatigué à ce moment.
Je fais la bonne trajectoire en ne suivant pas les autres bateau, et je relance le gennaker quand il le faut.
J’écoute de la musique pour rester motiver, je ne dors plus du tout.
Je double alors un bon paquet de bateau quand le soleil se lève sur Quiberon.
Je frôle l’île aux Chevaux, slalome entre les cailloux. J’ai bien remonté mes concurrents directs qui m’avait distancé la première nuit.
Sous mon vent je vois le 796 de Timothée, je le rattrape et commence à le dépasser à l’approche de la dernière marque de parcours. Il relance son gennaker le diable. Il repasse devant d’une courte tête mais je suis à son vent.
Je mets moi aussi mon gennaker, le match reprend.
On passe la bouée à 10m d’écart. Il reste 8 mille jusqu’à l’arrivée. Moi qui ne suis pas vraiment en mode compèt, je me prends au jeu. Mais plutôt histoire de voir si j’arrive à tenir le rythme. La place m’importe peu en fait.
Je maintiens l’écart, je creuse même un peu, un rien. Un ofcet et un pogo 3 reviennent fort devant.
Le pogo 2 d’Elodie a un problème de pilote, elle se retrouve dans le même match que nous.
A l’approche de la côte, le vent refuse. Je roule en premier le gennaker pour ressortir au près serré.
Là je me dis que ça peut le faire car mon bateau est rapide à cette allure.
Je marque mes adversaires et je passe la ligne avec 4 minutes d’avance.
Très sympa ce final !
Une course donc bien remplie où j’ai pris du plaisir, où j’ai souffert un peu aussi.
Mais qui me conforte sur l’état de confiance dans ma préparation.
Je finis 24ème sur 45 et 5ème bateau pointu.