Je ne me souviens plus vraiment d’où cette idée est sortie.
J’avais dû dire à Chloé : « Tiens, ça serait marrant qu’on fasse une course ensemble ! »
Elle avait sûrement répondu : « Ah oui ! Carrément ! »
Ça c’était l’année dernière quand on commençait à organiser notre course à Concarneau.
On s’était dit qu’on aurait le temps de s’entraîner.
Entre temps, j’ai eu une année terriblement occupé par des tournages, des régates, et une traversée de l’Atlantique.
Et de son côté, Coco n’a pas eu beaucoup de vacances.
Résultat, nous n’avons navigué qu’une seule fois 2 semaines avant la régate…et dans la pétole !
Mais bon, on faisait cette course pour s’amuser ! Contrat rempli !
Au programme, un passage devant les Moutons, une balade devant Penmarch, une traversée de la baie d’Audierne, un bon brassage dans le Raz de Sein, une incursion dans la Manche à l’occidentale de Sein, et un grand bord retour vers Concarneau. 127 milles.
Un beau programme pour la première de Coco !
Samedi matin 10h.
Le zodiac nous remorque dans la pétole et sous le soleil.
Une risée, puis un souffle s’installe finalement. Un petit vent de Sud, parfait pour le départ.
Les habitués se disputent vivement les premières places sur la ligne.
Prudent, nous passons derrière, mais virons rapidement. Cap direct sur le phare d’Eckmühl !
On est au près, le bateau bien calé. On envoie rapidement le gennaker. Et finalement on est bien placé. Dans le match avec les « bouts pointus » !
Arrive alors droit sur nous le 60 pieds Safran, avec à sa barre Bilou, qui revient de sa qualif’ de skipper remplaçant pour le Vendée Globe.
On passe 10 mètres sous son vent ! C’est toujours aussi beau !
Devant Penmarch, on commence à abattre légèrement.
Là ça commence à réfléchir sur les voiles.
L’un envoie un grand spi, l’autre un code5…ou bien un médium.
Je décide d’attendre vraiment l’entrée dans la baie d’Audierne pour faire mon choix.
Résultat, alors que nos camarades s’embrouillent pour la plupart dans leur manoeuvres, nous avançons tranquillement et on se place 1er «pointu » au passage de Cap Caval.
J’envoie alors le spi médium proprement et c’est parti pour 3 heures de glisse…avec quelques départ au tas car on est quand même assez haut par rapport à cette voile et notre angle au vent….
On arrive alors au Raz de sein, toujours sous le soleil. On doit alors se mettre vent arrière, cap au nord. Heureusement pour nous, le début de la course a été assez rapide et nous avons le courant avec nous.
C’est un raz assez actif que nous traversons, on dirait que l’eau bouillonne par endroits, les vagues viennent de tous les côtés mais ne sont pas trop hautes.
Il est difficile de garder le spi gonflé au vent arrière sur un véritable tapis roulant. Ca claque sur le bateau, on n’a pas l’impression mais on avance quand même grâce au courant.
Ces conditions ont bien failli avoir Coco, qui a le mal de mer depuis quelques heures.
On s’en sort tant bien que mal, mais on se fait rattraper par 3 ou 4 bateaux.
On commence alors une série d’empannage vers la bouée Basse Du Lys.
La gauche du plan d’eau semblait être une meilleure option que notre position centrale
On passe la bouée en lofant et on se cale bâbord amure au près serré pour remonter face au vent.
Le ciel s’est chargé de nuages gris qui écrase la lumière et aplatissent l’horizon.
On ne voit bientôt plus la terre…
Je commence alors avoir un petit mal de mer…je décide d’aller dormir un peu.
Je laisse la barre à Coco (qui va mieux), qui gère ça comme une pro, et qui ne veut pas se faire rattraper par les furieux juste derrière nous !
Je dors 3x20minutes.
Quand je ressors il fait presque nuit. Les feux de navigation se sont allumés, on aperçoit la bouée de l’occidentale de Sein clignoter.
A Coco d’aller dormir un peu.
Clo : A ce moment, je n’étais plus malade. Mais j’étais plus stressée à me dire qu’il fallait que Stan se repose car je savais que j’allais avoir envie de dormir pendant la nuit.
Un dernier virement, et on se retrouve en direction de Penmarch à nouveau.
Le vent est un peu monté…entre 16 et 19nds…la mer n’est pas très agréable, ça brasse un peu…comme souvent dans ce coin là.
Clo : C’est là où c’est devenu un peu chaud pour moi, où tout d’un coup je me suis demandée pourquoi j’étais là. Stan avait besoin de gérer son mal de mer et donc de se reposer. Mais le noir de la nuit ne permet pas d’anticiper, et on voit juste les vagues qui moutonnent au vent et viennent s’écraser sur le bateau. Je ne suis pas habituée à barrer dans la nuit, ça me perturbe et je dois laisser la barre à Stan à tel point que je suis mal à l’aise.
Il faudrait maintenant envoyer un spi pour avoir la bonne toile.
Mais mon mal de mer est toujours de la partie…et je ne le sens pas…tant pis on perdra 2nds de vitesse… C’est là où le manque d’entrainement nous pénalise, Clo ne sait pas envoyer les voiles d’avant.
Malgré tout on avance bien, je reste sur le pont à veiller tout en faisant des micros siestes, Coco dort dans la bannette. Je suis content de faire découvrir ça à ma petite soeur.
On se réveille tous les deux un peu plus tard dans la nuit. Je vais mieux, elle aussi. On met de la musique. Je me motive pour mettre le code 5. Et les dauphins phosphorescents arrivent !
Ça surfe à 10nds avec les dauphins pendant 3h dans un vent régulier bien établi ! C’est top ! Dommage que la nuit soit totalement noire.
On approche des Moutons.
Je prépare le dernier empannage de la course. Il ne faut pas se rater. Bien tout vérifier. Surtout la nuit quand on est fatigué. Une connerie est vite arrivée…
L’empannage passe nickel, on est dans le chenal des Moutons, cap sur Concarneau.
Je pointe sur la balise des Grands Pourceaux pour ne pas frôler l’île.
A ce moment je distingue un feu de mât un peu étrange, qui se rapproche puis s’éloigne…droite, gauche….c’est bien un Mini…je l’éclaire c’est le 552 de Steven…il tourne en rond…
J’essaye de l’appeler à la VHF pas de réponse…je m’inquiète un peu mais je me dis que Steven connait bien le coin, qu’il doit juste avoir un problème de voile ou de bout coincé….
On s’éloigne puis j’entends Etienne en contact avec un autre Mini qui dit que Steven s’est échoué sur les Moutons…je prends ma VHF j’appelle le comité de course…ils ne sont pas au courant…je fais alors le relais entre le PC Course et Etienne, puis Steven nous rejoint sur le canal. Il s’est déséchoué, le bateau est abimé, pas de voie d’eau et ils vont bien à bord. Je fais alors le relais entre Steven et le comité qui ne le capte pas.
A ce moment là, il y a une drôle d’ambiance. La visibilité n’est que de 50m….on ne voit rien et le vent mollit.
A l’approche du Cochon qui marque l’entrée du chenal de Concarneau, on voit surgir sur la gauche un autre Mini. C’est le 818 de Jean-Marie.
On termine bord à bord à touche-touche. Je suis prioritaire car sous le vent….il me dévente quand j’essaye de le passer. J’essaye alors de le loffer pour le pousser et à l’approche de la bouée verte de Men Fall qui marque la ligne d’arrivé, j’attends une petite vague et un petit surf pour abattre et glisser.
On coupe la ligne quelques secondes devant lui après 20h et 4min de course.
CLO :
Un mélange de sensation tout à fait opposées m’ont accompagnées tout au long de ces vingt heures sur l’eau: la joie, l’émerveillement et beaucoup de stress.
Les maux de ventre et les frissons ne m’ont pas quittés.
Barrer dans la nuit avec les petites risées m’ont données des petites décharges, qui m’ont bien fait trembler.
Je voulais montrer à mon frère que je pouvais le faire et qu’il pouvait aller se reposer sans soucis.
Ma première réaction sur les pontons était de dire “plus jamais”. J’étais heureuse de l’avoir fait mais je ne comprenais pas la motivation des ministes.
Mais quelques jours plus tard, malgré le retour au boulot, je ne pensais qu’à refaire une nouvelle course avec Stan, pour m’améliorer et être moins spectatrice.
Maintenant je comprends cet appel de la mer, qui renforce le caractère en obligeant à se dépasser, une fois en pleine mer, on n’a plus le choix.
Ces quelques mètres carrés flottants sont à la fois un observatoire privilégié de la nature ou une vraie prison sans échappatoire.
Je découvre mon frère tout à fait à l’aise sur son 742 qu’il connait par coeur. Les manoeuvres sont propres, pas un loupé, un vrai pro !
Et je suis impressionnée par son courage et sa volonté de persévérance vis à vis du mal de mer qui le met KO.
Il reste dans ce cas toujours rassurant à mon égard et prend la barre même s’il n’en a pas la force pour que je puisse aller dormir.
Il gère ce handicap qui impacte ces performances avec le sourire .
Je suis donc admirative mais aussi inquiète pour la suite, même si je sais qu’il s’en sortira parfaitement.
Vivement la Mini-Transat, je serai ravie de le mettre à l’eau en Martinique !!!!!