Stan Vs La Lorient BSM 2016
Vendredi 8 Avril.
19h je quitte mes bureaux de préparation de la place vendôme….direction Montparnasse…TGV pour Lorient.
Voiture 15, je retrouve par hasard Olivier Taillard…un transateux de la promo 2015….le monde est petit…surtout en Mini.
On regarde la météo, le nouveau parcours tombé la veille.
23h40. Arrivée de nuit sous la pluie à Lorient.
Mon ami Pifou m’accueille pour la nuit.
Samedi 9. Réveil à 8H, direction le PC course, je récupère ma balise (merci Clara! )….
Je retrouve Edouard Recton mon équipier pour l’occasion.
Derniers préparatifs sur le 742…ça fait bizarre de partir en course comme si je partais faire un rond dans la baie…l’année dernière, j’avais passé la semaine entière sur les pontons à préparer la même course…pas vraiment eu le temps de préparer la nav’ comme il faut….mais bon, on a les waypoints, on connait bien les Glénan….ça devrait le faire….et puis le bateau est au taquet !
11H. On quitte les pontons. Ambiance détendue, même si on sait que le vent doit monter dans la soirée et accélèrer franchement en fin de nuit.
11h20. Un grain passe sur Les Errants….40nds sur les 74 minis….ça donne le ton.
13H. Le soleil est revenu. C’est un bon départ pour la flotte…mais pas pour nous…Mal placé, je me fais sortir de la ligne…..obligé de virer en babord….et tout de suite de laisser la priorité à un mini tribord….on a passé la ligne et on revire….mais ce n’est pas suffisant….on dérape et on se colle au bateau comité…
Edouard déborde le bateau, mais un chandelier plie et la filière babord casse….
On sécurise la route, Edouard fonce dans la cabine….une pinoche en bois fera l’affaire pour combler le trou du chandelier. On est parti.
Après la bouée de dégagement on part vent de travers vers le sud de Groix. Malgré notre accrochage du début, il y a une dizaine de bateaux derrière nous.
On passe la bouée des Chats et on se cale au près pour remonter au vent.
Il y a toujours 25nds et la mer commence à se creuser en s’éloignant de la côte.
21H: 3-4 virements plus tard, on a raccroché le peloton, on fait cap sur Penfret et l’archipel des Glénan. Au coucher de soleil, le vent mollit, la mer s’aplatit et nous un laisse un cours instant de répit.
On en profite pour faire chauffer de l’eau et manger un petit plat lyophilisé chacun.
22H: la nuit tombe et l’on passe l’île des Moutons. Le vent mollissant correspondait à une période de transition. Et malheureusement pour nous, le vent tourne dans le mauvais sens, et alors que l’on fait demi-tour pour redescendre vers Belle-Ile, le vent tourne aussi et l’on se retrouve à nouveau à faire du près contre le vent.
Minuit : le vent a forci depuis 23h, le coup de vent est prévu pour la fin de nuit mais en fait il est déjà bien présent.
Le vent est établi à 30 nds, et pousse parfois à plus de 38nds. La mer devient plus que formée. On voit le plancton phosphorescent exploser à chaque vague. On essaye de deviner, d’anticiper les vagues pour passer au mieux ces talus…mais le résultat est improbable, et la plupart du temps le bateau décolle et retombe avec fracas. Il faut s’accrocher fort aux filières, aux écoutes, au winch.
02h : avec Edouard on commence à faire des quarts. Pendant la nuit, je pense que j’ai dormi (enfin essayé de dormir) quatre ou cinq fois 30 minutes. Mais tout devient compliqué dans ces conditions. Il faut descendre dans la cabine, se trouver une place bien calée au milieu de tous les sacs, et puis de relâcher….penser à autre chose, essayer d’ignorer le bruit des vagues qui tabassent la coque. A un moment je me retrouve même en apesanteur, tellement le bateau décolle dans la vague. Drôle de réveil.
A la barre, je trouve quand même du plaisir. Je n’ai pas eu froid ce soir là. Le ciel était noir mais magnifique, plein d’étoiles que l’on ne regarde pas assez. Les vagues traversent le pont et toutes les 2 minutes c’est un seau d’eau en pleine figure. Les yeux commencent à piquer, les lèvres à se creuser, l’eau salée essaye de s’immiscer dans la vareuse. Il faut être bien équipé. Une compote, un petit Breizh Cola, des bonbons et ça recharge les batteries.
Je me surprends à ne pas être malade pour une fois. Tant mieux.
6h30: je me réveille d’une petite sieste, je sors de la cabine…les lueurs du jours sont là. Le ciel est gris. La mer est démontée. Les vagues déferlent. L’eau est verte clair avec des nuances de gris pâle. Une ambiance peu rassurante. C’est parfois mieux de naviguer dans le noir, ainsi on ne se rend pas compte de ce décor terrible. On voit bien maintenant se dessiner les contours de Belle-Ile. Il y a un mini à côté de nous qui se rapproche pour nous dire qu’il abandonne et fait demi-tour.
Il n’y a plus personne devant nous, plus personne derrière. On se demande bien où sont passés tous les feux de mâts que l’on apercevait quand il faisait encore nuit… On apprendra plus tard que la plupart ont fait demi-tour dans la nuit. A la radio VHF, on entend des concurrents qui annoncent des avaries et se déroutent pour se mettre à l’abri.
8h30 : avec Edouard on commence alors à se poser des questions. Nous sommes encore à 15 milles de la dernière marque de parcours…nous avançons entre 5 et 6 noeuds…sauf qu’au près la distance est plus grande car il faut tirer des bords….il nous faudrait donc encore 4 heures au mieux pour arriver là-bas…puis au moins 5 heures au vent portant pour rentrer à Lorient. Pour terminer la course il nous faut passer la ligne avant 16h. Malgré la fatigue, le calcul est vite fait…
Petit moment de flottement où l’on ne sait plus vraiment ce pourquoi on est là à cet instant précis, perdus en pleine mer dans ces conditions hostiles….
Je décide finalement de renoncer, de tirer la barre et de commencer à glisser dans cette houle désordonnée.
10h : on temporise un peu, on glisse déjà à plus de 10nds, on croise le proto de Luke Berry sous petit spi qui surfe pleine balle…nous, sans spi on taquine les 14nds…
11: Quelques Fous de Bassan s’amusent dans ces vagues de 4 mètres et se jouent des rafales en glissant sur l’écume des crêtes qui blanchissent. Un petit mal de mer vient me rendre visite à cette allure oscillante, mais rien de bien méchant. Voilà déjà à nouveau Groix, qui apparaît et se masque à chaque passage de vagues…
Nous ne passons même pas la ligne. Direct au ponton, accueillis par Conrad et Clara. Il y a déjà une trentaine de bateau au port…Nous ne sommes donc pas les seuls à avoir renoncé : les 2/3 de la flotte au final auront fait comme nous.
C’était donc une course ventée, dure, solide….qui aura favorisée les bateaux récents les plus rapides, car à 2 heures près, l’angle du vent nous aurait permis de terminer la course….mais bon…
A chaque navigation, il y a une chose à apprendre, à observer. Et cette nuit là, et bien même si elle a été ardue, et bien je l’ai aimée. J’avais l’impression d’être à ma place, en phase avec mon bateau.
Donc je progresse encore, c’est bon signe pour la suite.
Un grand merci à Edouard mon co-équipier avec qui j’ai partagé cette belle navigation !