Drôle d’ambiance ce dimanche matin sur le ponton proche de la Ville Close
Le ciel est bas; un petit crachin humidifie l’atmosphère. Une petite boule au ventre est bien présente.
Je vais partir pendant 7 jours en solitaire sur un bateau de 6m50, et je vais parcourir plus de 1000nm ( 1852km). Ce n’est pas rien quand même !
Mais bon je sais que la météo s’annonce vraiment pas mal et que ça devrait bien se passer. La seule inconnue en fait, c’est de savoir comment moi je vais me sentir aussi longtemps seul en mer …
Ma plus longue course jusqu’à présent c’était 48h en solo sur la Select 2015….ça avait été mon baptême du feu…
Depuis j’ai vraiment appris sur moi-même et sur mon bateau.
En fait, jusqu’au mois de Mai je peux dire que je ne savais pas vraiment « vivre à bord » d’un Mini.
Mais j’ai fait une formation « accélérée » on va dire, sur la transat NY-Vendée en Imoca avec Conrad Colman.
J’ai passé 13jours sur l’eau, j’ai appris à dormir, à manger, à regarder les changements météo, à organiser ma journée à bord…
Et j’ai mis ça en application directement après sur le Fastnet.
Je suis donc parti au près ce dimanche matin dans du petit temps vers Penmarch…Le ciel se voile, j’abats dans la baie d’Audierne…je passe le Raz au travers le courant avec moi…je ne l’ai jamais vu aussi bizarre…ambiance brouillard, mer bleu claire laiteuse…des vagues de tous les côtés….je suis content d’en sortir.
Je me dirige vers le Fromveur. Je ne connaissais pas ce passage mais le routage passait par là pour gagner du temps face au courant avant la bascule.
J’attaque la Manche en début de nuit toujours dans du petit temps.
Le ciel se dégage la lune éclaire ma traversée nocturne.
Avec peu de vitesse sur le fond, je découvre les bascules de courant dans la Manche. Je garde mon angle au vent apparent, mais je constate que mon cap sur le fond oscille franchement suivant la marée montante ou descendante.
Je me laisse donc partir à gauche ou à droite pour gagner en vitesse sur la destination finale.
Je croise des cargos aux noms étrange, aux destinations improbables.
J’arrive à Lands’end en fin de journée. Une bonne visibilité sur la Cornouaille anglaise. Toujours sur le même bord babord depuis le départ. J’envoie de temps en temps le gennaker quand le vent mollit ou adonne.
Il faut aussi que je précise que j’ai le mal de mer depuis Penmarch…
Je n’arrive rien à garder dans le ventre. J’ai l’habitude de gérer ça on va dire…
La deuxième nuit est tranquille. Depuis le début j’arrive vraiment à bien mettre en place mes siestes de 20min. J’ai l’impression de ne faire que ça.
D’ailleurs sur cette qualif, à aucun moment je n’ai eu l’impression de me mettre dans le rouge. J’ai toujours bien dormi surtout avant les passages un peu « techniques » …
J’arrive à Coningbeg vers 14h40. Ambiance irlandaise grise et humide mais je vois quand même bien la côte.
Pas le temps de traîner, je re-descends rapidement. A ce moment là j’ai du réseau j’arrive à regarder la météo. Il y aura un peu d’air cette nuit.
Le vent va monter toute la nuit (25-30nds) sur ce bord à 50° du vent apparent.
Je décide de passer à l’extérieur des îles Scilly.
Cette nuit sera la plus rude du parcours. Ça mouille, ça tape, je me fais rincé…toujours malade…les pêcheurs ne sont pas loin…1 ris, 2 ris…ça se mérite l’Irlande ! J’ai la mauvaise idée de sortir la tête rapidement pour vérifier la présence d’un pêcheur et là une vague inonde ma polaire…elle restera humide jusqu’à l’ile de Ré…la prochaine fois je penserai à mettre mon ciré.
J’ai eu un petit problème avec un faux contact sur un fusible de ma pile à combustible…elle n’arrêtait pas de se couper…je résous le problème avec du scotch électrique !
J’arrive aux Scilly en début d’aprèm et je souffle un peu. Le vent se calme et j’arrive à me faire un lyophil de pâtes ! J’ai du réseau sur mon téléphone et je reçois plein de message de ma famille et des copains…Je me mets à pleurer. c y est j’ai passé le plus dur, le moral remonte.
J’attaque la Manche sous spi médium, ça surfe à fond ! Le soleil revient enfin un peu. Je fais deux premiers relevés au sexatnt. En Irlande je ne voyais pas le soleil assez longtemps…
En approche du DST d’Ouessant, je dois affaler et faire un bord de recalage.
Je ne vais pas beaucoup dormir cette nuit car il y a quand même pas mal de trafic sur l’AIS. J’arrive à bien régler mon pilote qui garde bien gonflé mon spi max.
Par deux fois, je vais réussir à rentrer en contact radio avec des cargos et à leur demander de changer leur cap de quelques degrés, ce qu’ils acceptent volontiers.
Ils sont plutôt sympa et je les remercie vivement !
La nuit passe, j’arrive à la chaussée de Sein en fin de matinée. Je regarde mon roadbook qui me confirme que j’ai 1nd de courant contre moi jusqu’à 13h….mais bon ça avance quand même tranquillement…je dors un peu.
J’attaque ensuite le meilleur bord de cette qualif’ !
J’envoie le code 5 dans la baie d’Audierne et je ne l’affale qu’à Rochebonne !
Des surfs à 12nds qui durent, qui durent…je descends rarement en dessous de 9nds…un peu de soleil, des dauphins…je barre encore un max pour bien refaire mon énergie batterie cette journée là.
Je croise une vingtaine de pêcheurs du Guilvinec. Signe que la maison n’est pas loin mais qu’on ne va encore rentrer tout de suite…
J’arrive aussi à me faire des vrais repas, donc tout va bien !
Je passe rochebonne en pleine nuit dans un vent mollissant. Je trouve bien la première bouée. J’envoie le spi max. Je pense devoir faire un peu de sud car j’ai le vent dans le dos pile dans l’axe de l’ile de ré…
La deuxième bouée n’était pas là. Je checke trois fois la carte, mon gps, le guide mini…Je vois bien les trois autres bouées…mais là SO n’est pas là…
Portant VMG vers l’île de Ré donc…le jour se lève. J’en profite pour me faire un petit coup de propre et de changer entièrement de vêtements.
Ça glisse tranquille vers l’île de Ré et ça adonne en plus….même pas besoin d’empanner. Je ne connais pas du tout ce coin de l’île de Ré donc je suis content de le passer de jour. Je vois le pont apparaître. Là, un tanker qui rentre à La Pallice va bien me gêner…il avance à mon vent à la même vitesse que moi…j’essaye de lui passer devant…mais quand j’empanne, il remets les gaz…du coup obligé de gyber plusieurs fois et de temporiser….j’attends qu’il passe et j’empanne enfin vers le pont.
J’affale le spi juste avant le pont, et heureusement car ça refuse total et je ressors au près !
Je découvre le Pertuis breton sous le soleil avec vent super qui me permets de sortir de cette zone sur un bord et d’éviter facilement la zone délicate des parcs à moules.
2 heures après, un grain arrive. Ça mouille et le vent change complètement.
Je commence à tirer des bords de près. La mer devient un lac. J’aperçois les Sables…La nuit va être très calme à glisser tout doucement…
Quand le soleil sort je suis sous l’île d’Yeu…dans la pétole totale…et ça va durer jusqu’à 15h…pas grand chose à faire. Le mieux que je trouve au final c’est de mettre le pilote en mode barre bloquée. Le bateau trouve parfois des petites risées…et les voiles arrêtent un peu de fasseyer…
Du coup je refais le plein d’énergie dans les batteries avec les panneaux solaires et je m’autorise enfin à écouter de la musique.
Ce que je pense être un thermique rentre enfin en début d’aprèm et je repars sous gennaker. Je fais de l’ouest, puis je mets le cap sur Belle-Ile.
J’ai le vent pile dans l’axe où je dois aller. Je fais pas mal de petits virements en jouant avec les oscillations du vent pour remonter au mieux.
J’attaque la nuit assez sereinement, le vent monte progressivement, je vais même prendre un ris en milieu de nuit.
Je décide de passer à l’extérieur des îles pour être tranquille.
Je m’étonne à avoir trouvé un vrai rythme de sommeil. Cela devient « normal » de faire 30 sieste de 20min enchainées.
Au matin je peux faire cap sur Groix mais pas encore sur Concarneau. Le vent est toujours au 330…mais je me dis que le thermique va bien rentrer et qu’avec un peu de chance le vent va prendre de la gauche au fil de la journée.
Et je suis assez content car c’est exactement ce qu’il va se passer. Ça va adonner et j’arrive vers Trévignon sur un seul bord.
Dans la baie ça refuse un peu, et je tire mes derniers bords pour passer enfin le Cochon à 16h UTC !
Ce que je retiens le plus de cette navigation au final, c’est que maintenant je me sens vraiment en phase avec mon bateau.
Je suis super fluide sur mes manœuvres, je sais quelle voile mettre à quel moment et comment la régler.
Je suis aussi super satisfait de ma gestion du sommeil, je me suis vraiment bien habitué au fractionné de 20min.
Et puis ce que je retiens surtout, c’est que c’était bien la première fois que je me sentais vraiment bien seul en mer.
J’aime être au large, tirer de long bords vers un endroit que l’on ne voit pas.
Les régates côtières c’est pas trop mon truc, donc là j’ai découvert une autre facette du Mini.
J’espérais vraiment que ça me plaise et ce fut le cas !